Les femmes dans le marché de l'emploi au Maroc
Par : Soufian Mestassi, Sophia Bouziane.
La participation des femmes au marché du travail marocain reste parmi les plus faibles au monde, avec un taux d’activité tombé à 19 % en 2023. Face à des emplois précaires, un chômage élevé et une faible présence dans les postes de direction, les défis sont nombreux. Cette étude explore les secteurs clés pour comprendre les obstacles et les opportunités qui façonnent l’avenir professionnel des femmes au Maroc.
Préface
L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est bien plus qu’un enjeu éthique : c’est un levier stratégique pour le développement économique et social du Maroc. Alors que notre pays amorce une transformation majeure, l’inclusion des talents féminins est essentielle pour bâtir une économie plus performante, dynamique et résiliente.
Aujourd’hui, les chiffres sont sans appel : 22 % seulement de la population active marocaine est féminine, et près de 85 % des femmes restent en dehors du marché du travail. À ces défis s’ajoutent des freins structurels et culturels persistants : des stéréotypes de genre ancrés, un manque de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, ainsi qu’un accès encore limité aux rôles de leadership. Cette réalité, loin d’être propre au Maroc, est mondiale. Comme le souligne le dernier rapport Women in the Workplace de McKinsey, malgré des décennies d’efforts, la progression vers la parité demeure lente et fragile. Pour la première fois en dix ans, certaines entreprises commencent même à reculer dans leur engagement à améliorer l’expérience des femmes au travail.
Chez Xpertize Africa, nous voyons au quotidien le potentiel immense des talents féminins. Nos consultantes en sont la parfaite illustration : elles se classent parmi les meilleures en matière d’atteinte d’objectifs et de performance salariale. Pourtant, comme dans beaucoup d’organisations, 3 managers sur 4 demeurent encore des hommes.
Cette réalité, bien que présente, ne doit pas freiner nos ambitions. L’avenir du Maroc se construit aujourd’hui avec des modèles plus inclusifs, capables de valoriser chaque compétence et de libérer les énergies des nouvelles générations de Marocaines, brillantes, ambitieuses et déterminées. L’évolution est en marche, et des avancées notables doivent être soulignées. Des réformes législatives, telles que l’amendement de la loi n° 19.20, imposent désormais des quotas progressifs pour les conseils d’administration : 40 % d’ici 2027. Cette réforme, alignée sur les meilleures pratiques internationales, reflète une volonté politique forte et reconnaît que la mixité dans les organes de gouvernance est un facteur de performance et d’innovation pour les entreprises.
Cette étude, menée par Xpertize Research Institute (XRI), met en lumière ces dynamiques et dresse un état des lieux précis et objectif de la place des femmes dans le marché du travail marocain. En s’appuyant sur une analyse sectorielle rigoureuse, elle identifie les inégalités, les barrières encore présentes, mais surtout les opportunités prometteuses pour un avenir plus inclusif.
Car l’avenir du Maroc appartient à ses nouvelles générations, à ces jeunes femmes marocaines éduquées, ambitieuses et prêtes à relever les défis de demain. Avec le soutien des entreprises, des décideurs publics et de la société civile, nous pouvons transformer le marché du travail en un espace où chaque talent est valorisé, où les compétences priment sur les stéréotypes et où la parité devient une réalité durable.
Chez Xpertize Africa, nous croyons fermement que le développement de notre pays repose sur une vision inclusive et équitable. Chaque progrès en faveur de la mixité est un pas vers un Maroc plus juste, innovant, compétitif et prospère. Ensemble, engageons-nous à accélérer cette dynamique pour que la parité ne soit pas un objectif lointain, mais bien une réalité concrète pour les générations à venir.
Sophia Bouziane Directrice du Pôle Conseil Xpertize Africa
Introduction
Le marché du travail au Maroc fait face à un ensemble de défis structurels et sociétaux qui impactent significativement la participation des femmes. Depuis les années 2000, le pays observe une baisse continue du taux d'activité, passant de 53,1 % en 2000 à 43,6 % en 2023 (Haut-Commissariat au Plan).
Cette tendance à la diminution, bien qu'affectant l’ensemble de la population, se manifeste de manière plus marquée pour les femmes, dont le taux d’activité a chuté de 28,1 % à 19 % sur la même période, tandis que celui des hommes reste élevé à 69 %. Ces statistiques placent le Maroc parmi les pays ayant les taux d’activité féminins les plus faibles à l’échelle mondiale, avec une proportion de femmes actives représentant seulement 14 % de l’ensemble des femmes et 22 % de la population active totale. Les disparités sont aussi flagrantes au niveau de l’emploi et du chômage.
Le taux de chômage des femmes atteint 18,3 %, bien supérieur aux 11,5 % observés chez les hommes. Par ailleurs, les femmes marocaines actives se trouvent souvent dans des emplois précaires : environ 57 % d’entre elles occupent des postes d’aides familiales non rémunérées, sans protection sociale, et 41,5 % travaillent dans le secteur agricole, particulièrement exposé aux aléas climatiques (Division des enquêtes sur l’emploi, direction de la statistique - Activité, emploi et chômage résultats annuels 2023).
Le déséquilibre entre l'offre et la demande d'emplois au Maroc est frappant : entre 2000 et 2019, seulement 110 000 emplois ont été créés chaque année, alors que la population en âge de travailler augmentait en moyenne de 375 000 personnes par an. Ce décalage important, exacerbé par les pressions démographiques et les contraintes culturelles, souligne l'urgence d'une meilleure inclusion des femmes sur le marché du travail marocain.
L'emploi, moteur de l'économie, a connu des fluctuations significatives au cours de la période étudiée. Les créations d'emplois ont connu une croissance soutenue, reflétant une certaine vigueur économique. Toutefois, la crise sanitaire de 2020 a brutalement interrompu cette dynamique positive, entraînant une destruction massive d'emplois. La reprise post-pandémique a été progressive, mais semble marquer le pas ces dernières années. Cette volatilité souligne la fragilité du tissu productif marocain face aux chocs exogènes et la nécessité de mettre en place des mécanismes d'amortissement. Parallèlement, la population en âge de travailler a connu une croissance régulière, reflétant l'évolution démographique du pays.
Cette augmentation de l'offre de travail a mis sous pression le marché de l'emploi, exacerbant ainsi les difficultés d'insertion professionnelle, notamment chez les jeunes femmes. Le taux d'activité, qui mesure la proportion de personnes en âge de travailler qui exercent une activité ou qui en recherchent activement une, a également connu des fluctuations. La baisse observée lors de la crise sanitaire témoigne de la détérioration des perspectives d'emploi et de la désincitation à rechercher un emploi. La reprise a été moins rapide que pour l'emploi, suggérant que certains freins structurels persistent.
85% des femmes marocaines sont inactives, pourquoi ?
Au Maroc, le taux d'inactivité des femmes est bien supérieur à celui des hommes, 85% contre 48%. Cette réalité pose question et soulève des défis importants pour le développement économique et social du pays. Les chiffres sont sans appel : au Maroc, les femmes ont une probabilité bien plus élevée d'être inactives professionnellement que les hommes. Cette situation s'explique par plusieurs facteurs :
- Les rôles sociaux traditionnels : Les femmes sont souvent assignées à des tâches domestiques et familiales, ce qui limite leur temps et leur énergie pour se consacrer à une activité professionnelle.
- Le manque de conciliation vie professionnelle et vie personnelle : L'absence de structures d'accueil pour les enfants et de politiques de flexibilité au travail rend difficile pour les femmes de concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles.
- Les discriminations et les stéréotypes de genre : Les femmes font face à des préjugés et à des discriminations qui limitent leurs opportunités d'emploi et d'évolution de carrière.
- Le niveau d'éducation : Bien que l'éducation des filles ait progressé, les disparités persistent, notamment dans les zones rurales et parmi les catégories socio-économiques les plus défavorisées.
L'inactivité féminine entraîne des conséquences multiples et profondes. En limitant l'accès des femmes au marché du travail, le Maroc ne fait pas seulement perdre à ces dernières l'opportunité de s'épanouir professionnellement et d'acquérir une autonomie financière, mais il prive également l'économie nationale d'un potentiel de croissance considérable. En effet, la participation active des femmes à la vie économique est un levier puissant pour stimuler l'innovation, accroître la productivité et réduire les inégalités. De plus, en maintenant les femmes dans des rôles traditionnellement assignés au foyer, l'inactivité féminine contribue à renforcer les stéréotypes de genre et à perpétuer les inégalités sociales.
Cette situation représente un véritable gâchis de talents. Le Maroc dispose d'un capital humain féminin important, dont les compétences et les qualifications pourraient grandement contribuer au développement du pays. En limitant leur accès au marché du travail, c'est tout un réservoir de compétences et de savoir-faire qui reste inexploité.
Les femmes sont significativement sous-représentées dans les postes à haute rémunération, tandis qu'elles sont surreprésentées dans les emplois les moins bien payés. Cette ségrégation professionnelle verticale, profondément ancrée dans le marché du travail marocain, soulève des questions essentielles quant à l'égalité des chances et à l'équité salariale.
Les hommes dominent largement les tranches salariales supérieures, occupant en moyenne 70% des postes. Cette concentration masculine dans les secteurs à forte valeur ajoutée est un constat récurrent, reflétant une segmentation du marché du travail qui pénalise les femmes. Les facteurs explicatifs sont multiples :
- Stéréotypes de genre : Les stéréotypes associés aux métiers féminins et masculins orientent les choix professionnels dès le plus jeune âge, limitant l'accès des femmes à certains secteurs.
- Réseautage : Les hommes bénéficient souvent de réseaux professionnels plus développés, facilitant leur accès à des postes à responsabilité.
- Conciliation vie professionnelle et vie personnelle : Les femmes assument traditionnellement une part plus importante des tâches domestiques et familiales, ce qui peut limiter leur disponibilité pour des postes exigeants ou des déplacements professionnels.
À l'inverse, les femmes sont surreprésentées dans les emplois les moins bien rémunérés, souvent caractérisés par une précarité accrue et des perspectives d'évolution limitées. Cette situation est due à plusieurs facteurs :
- Secteurs d’activité : Les femmes sont concentrées dans des secteurs traditionnellement féminins comme l'enseignement, la santé ou le commerce de détail, qui sont souvent moins bien rémunérés.
- Discrimination à l’embauche : Les biais inconscients et les stéréotypes peuvent conduire à une discrimination à l'embauche en faveur des hommes pour certains postes.
- Écart salarial : Même à compétences égales, les femmes sont souvent moins bien rémunérées que les hommes, notamment en raison de la négociation salariale et des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans des postes similaires.
L'écart de représentation entre les hommes et les femmes s'accentue significativement dans les tranches salariales les plus élevées, mettant en évidence l'existence d'un "plafond de verre". Malgré des progrès en matière d'éducation, les femmes peinent à accéder aux postes de direction et à des responsabilités élevées.
Zoom sur les 5 secteurs d’activités qui emploient plus des 2 tiers de la main d’œuvre déclarée au Maroc
Notes sur la méthodologie
- Les données présentées dans cette étude ont été collectées auprès de plusieurs sources officielles : la Direction Générale des Impôts (DGI), l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC), la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), le ministère de l’Industrieet du Commerce, et Bank Al-Maghrib. L’ensemble de ces données a été analysé et traité par Xpertize Research Institute.
- Les données utilisées dans cette analyse sont issue de l’Observatoire Marocain de la TPME, correspondent à l’exercice 2022. Les informations relatives aux salaires sont issues des déclarations obligatoires effectuées par les employeurs auprès de la CNSS. Il convient de noter que les salaires considérés dans cette étude sont des salaires bruts, avant prélèvements sociaux et fiscaux.
- L’analyse porte sur un échantillon de 4.456.50313 salariés, représentant l’ensemble des salariés déclarés à la CNSS en 2022. Cet échantillon est considéré comme représentatif de la population active salariée au Maroc.
5 secteurs moteurs de l’économie au Maroc, employant 72% des salariés déclarés
Industrie manufacturière
Le secteur manufacturier présente une parité relative entre les genres, avec un taux de féminisation de 44,7 %.
Cette donnée témoigne d'une avancée notable vers une plus grande équité professionnelle dans ce domaine traditionnellement masculin. Cependant, les femmes sont surreprésentées dans les tranches salariales les plus basses, représentant 51,9% de l'ensemble des femmes employées dans le secteur de l’industrie manufacturière, contrairement à la proportion des hommes qui sont dans cette tranche de salaire et qui ne représente que 29%, démontrant un écart écrasant de 23%.
À l'inverse, elles sont sous-représentées dans les tranches salariales supérieures à 10 000 MAD, où elles ne constituent que 5.7% de l'ensemble des femmes employées, tandis que les hommes dans la même tranche représentent environ 10% des emplois masculins.
Agriculture, sylviculture et pêche
Tandis que le secteur manufacturier, avec ses tâches souvent plus sédentaires et ses environnements contrôlés, compte 44,7% de femmes, les secteurs primaires, caractérisés par des travaux physiques en extérieur et des horaires irréguliers, ne dépassent pas les 32,5%.
Les métiers de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche sont souvent perçus comme des métiers masculins, exigeant une force physique et une endurance importantes. Ces stéréotypes orientent les femmes vers des emplois moins qualifiés et moins rémunérés. Il est frappant de constater que 96,6% des emplois féminins sont concentrés dans la tranche de salaire la plus basse (1-2800), alors que la même tranche constitue 67% des emplois masculins.
Pour les tranches salariales plus élevées, les écarts entre les emplois féminins et masculins constatés sont similaires à ceux observés dans le secteur manufacturier.
Construction
Le secteur de la construction est traditionnellement considéré comme un bastion masculin avec environ 550 milles salariés hommes, représentant 90% de la main d’œuvre totale dans ce secteur. Le secteur se classe le deuxième moins féminisé au Maroc
Cette étude confirme cette tendance, avec une très faible représentation des femmes (10%). Les écarts entre les emplois féminins et masculins dans la tranche salariale la plus basse est significativement moins élevée que dans les autres secteurs. De plus, la construction est l’un des rares secteurs où la proportion d’emplois féminins est plus importante dans les tranches salariales les plus élevées.
Contrairement à d'autres secteurs où la répartition des salaires entre hommes et femmes est fortement polarisée, la distribution dans la construction présente une courbe relativement plate, suggérant une répartition plus équilibrée des emplois entre les genres, du moins en termes de tranches salariales.
Activités de services administratifs et de soutien
Le secteur des activités de services administratifs et de soutien, avec 30,1% de femmes employées, se situe légèrement en dessous de la moyenne générale de 33,6% pour tous les secteurs confondus.
Le secteur emploie environ 620 milles personnes, dont seulement 186.000 femmes. Néanmoins, il est encourageant de constater une progression notable de la présence féminine dans ce secteur, qui témoigne d'une évolution des mentalités et des pratiques en matière de ressources humaines.
On observe une forte corrélation entre le genre et la rémunération :
- Dominance féminine dans les faibles rémunérations : Les femmes sont largement majoritaires dans les tranches de rémunération les plus basses (1-2800). Cette surreprésentation féminine dans les emplois moins qualifiés et moins rémunérés est un phénomène classique dans de nombreux secteurs d'activité.
Cependant, l’analyse révèle une tendance intéressante : dans les tranches de salaire les plus élevées, la proportion de femmes est légèrement supérieure à celle des hommes. Cette inversion du rapport hommes-femmes dans les hauts salaires pourrait s'expliquer de plusieurs manières :
- Changement de paradigme : Il est possible qu'un changement de paradigme se produise dans le secteur, avec une reconnaissance accrue des compétences des femmes et une volonté de favoriser leur accès aux postes à haute responsabilité.
- Effet de cohorte : Les femmes ayant intégré le marché du travail ces dernières décennies, avec un niveau d'éducation plus élevé, pourraient être surreprésentées dans les tranches de salaire supérieures.
- Secteurs d'activité spécifiques : Il est possible que certaines spécialités au sein des services administratifs et de soutien, qui sont mieux rémunérées, attirent davantage de femmes.
Commerce, réparation d'automobiles et de motocycles
Le secteur du commerce et de la réparation d'automobiles et de motocycles se positionne en deuxième place en termes d'emploi, après le secteur de l’agriculture sylviculture et pêche, mobilisant près de 650 000 personnes. Malgré les stéréotypes associés à ce domaine, les femmes représentent 33,4% des effectifs, soit plus de 218 000 salariées, témoignant d'une évolution des rôles traditionnels dans ce secteur.
Une concentration des emplois féminins est encore une fois constatée dans la tranche de salaire la plus basse (moins de 2.800 MAD), avec une proportion de 43.2% des emplois féminins dans cette fourchette, et une prédominance légère masculine est observée dans les tranches supérieures, avec un écart moyen de 5.2%, l’avant-dernier taux d’écart le plus bas entre les 5 secteurs analysés.
Autres secteurs remarquables
Les données sectorielles présentées mettent en lumière des dynamiques contrastées entre les différents secteurs d'activité, révélant des disparités significatives en termes d'emploi et de contribution à la masse salariale. Une analyse approfondie permet de dégager des axes stratégiques pour maximiser leur potentiel économique tout en favorisant une croissance inclusive.
Le secteur du commerce, de la réparation d'automobiles et de motocycles se distingue par sa contribution exceptionnelle à la masse salariale totale (19 %), malgré un effectif global proche de celui de l'industrie manufacturière. Cela reflète une forte dépendance de l'économie à ce secteur, qui combine des emplois à valeur ajoutée modérée et un réseau dense d’activités de services. L’enjeu réside dans l'optimisation de ce secteur à travers la digitalisation, notamment par le développement des plateformes de commerce en ligne et de maintenance prédictive, pour renforcer sa compétitivité et stimuler la consommation intérieure.
L'industrie manufacturière, quant à elle, constitue un pilier stratégique, avec une contribution salariale de 17 %. Bien que ses emplois restent concentrés dans des structures industrielles traditionnelles, ce secteur offre un terrain fertile pour l'adoption de technologies avancées telles que l'automatisation et l'Industrie 4.0. Ces transformations pourraient non seulement améliorer la productivité, mais aussi repositionner le pays dans les chaînes de valeur mondiales, en attirant davantage d'investissements directs étrangers.
L'adoption d'approches modernes telles que l'agritech, qui améliore les rendements tout en réduisant la dépendance aux aléas climatiques. Ces innovations, accompagnées d'un soutien aux petits exploitants, pourraient transformer l’agriculture en un moteur de croissance inclusive.
Les activités de services administratifs et de soutien représentent une force importante avec plus de 600 000 employés, mais leur contribution à la masse salariale (9 %) reste modeste, ce qui reflète une concentration d'emplois dans des activités à faible valeur ajoutée.
Le secteur de la construction, qui emploie également plus de 600 000 personnes, maintient une part moyenne de 10 % de la masse salariale. Bien que traditionnellement dominé par des emplois manuels, ce secteur est à un carrefour stratégique. Les investissements dans les infrastructures durables et les technologies de construction innovantes, telles que les matériaux écologiques et les pratiques de bâtiment intelligent, peuvent à la fois réduire les coûts et ouvrir la voie à une création d'emplois plus qualifiés.
Les secteurs à faible effectif mais à haute spécialisation, comme les activités scientifiques et techniques, jouent un rôle disproportionné dans la masse salariale, représentant 9 % avec moins de 240 000 employés. Ce déséquilibre illustre la forte valeur ajoutée générée par ces professions, qui reposent sur un capital humain hautement qualifié. Le soutien à ces secteurs via des programmes de formation avancée, des incubateurs technologiques et des financements pour l'innovation pourrait multiplier leur impact économique tout en positionnant l'économie sur des créneaux compétitifs.
Enfin, les secteurs de l’information et de la communication ainsi que des activités financières et d’assurance traduisent des enjeux et opportunités spécifiques. L’information et la communication, avec seulement 4 % de la masse salariale pour un faible effectif, semble sous-exploitée, alors même que la transformation numérique globale place ce secteur au centre des priorités stratégiques. Des incitations ciblées pourraient en faire un levier crucial de croissance. En parallèle, les activités financières, avec leur forte concentration salariale (8 %), démontrent une spécialisation économique qui pourrait être élargie pour inclure des services plus accessibles et innovants.
Activités financières et d’assurance
Avec un écart de 8 % en faveur des hommes, ce secteur démontre une parité relativement meilleure par rapport à d’autres industries traditionnellement marquées par une domination d’un genre spécifique. Cet écart reste bien en dessous de la moyenne globale, qui atteint 32,8 % tous secteurs confondus.
Bien que la proportion féminine soit significative, une progression vers une répartition égale (50/50) pourrait contribuer à davantage de diversité et d’innovation, des aspects critiques pour la compétitivité dans un environnement financier globalisé.
La concentration significative d'emplois dans les tranches salariales supérieures suggère une demande soutenue pour des profils hautement qualifiés, capables de naviguer dans un environnement financier de plus en plus complexe et réglementé.
Cette tendance s'explique par plusieurs facteurs interdépendants. Tout d'abord, les métiers de la finance requièrent des compétences spécifiques, notamment en matière de mathématiques, de statistique et de droit. Cette expertise se traduit par des rémunérations attractives. Ensuite, la mondialisation et la concurrence accrue ont poussé les institutions financières marocaines à proposer des conditions salariales alignées sur les standards internationaux pour attirer et retenir les meilleurs talents.
Parallèlement à cette tendance, on observe une certaine dualité du marché du travail au sein du secteur. La coexistence d'emplois très bien rémunérés et d'emplois moins bien rémunérés peut s'expliquer par plusieurs facteurs, notamment la taille des entreprises, le secteur informel et les disparités régionales.
Les grandes institutions financières internationales, présentes au Maroc, ont généralement des politiques salariales plus élevées que les petites et moyennes entreprises locales. Une partie de l'activité financière se déroule dans le secteur informel, où les conditions de travail et les rémunérations sont souvent moins favorables.
Les données présentées révèlent une féminisation marquée du secteur de l'enseignement au Maroc, avec 69,5% de femmes contre 30,5% d'hommes. Ce constat s'inscrit dans une tendance plus large observée dans de nombreux pays, où les métiers de l'éducation sont traditionnellement plus féminins.
Il est intéressant de noter que le secteur de l'enseignement arrive en deuxième position des secteurs les plus féminisés au Maroc, juste derrière le secteur de la santé humaine et action sociale (71,4%). Cette forte représentation féminine dans ces deux secteurs clés de la société reflète une évolution des normes sociales et des aspirations professionnelles des femmes marocaines.
Cette féminisation du secteur de l'enseignement peut être interprétée de plusieurs manières :
- Valeurs sociales et culturelles : La profession enseignante est souvent associée à des valeurs de partage, d'altruisme et de soin, traditionnellement attribuées aux femmes dans de nombreuses cultures.
- Parcours académique : Les femmes sont de plus en plus nombreuses à poursuivre des études supérieures dans les domaines de l'éducation, ce qui leur ouvre les portes de la profession enseignante.
- Conditions de travail : Les conditions de travail dans l'enseignement, notamment la possibilité de concilier vie professionnelle et vie familiale, peuvent être plus attractives pour les femmes.
- Enjeux de société : La féminisation du secteur de l'enseignement peut contribuer à renforcer l'égalité des genres et à promouvoir des modèles féminins positifs pour les jeunes générations.
Une proportion significative de femmes enseignantes se concentre dans les tranches salariales les plus basses, notamment dans les tranches 1-2 800 DH et 2 800-4 000 DH. Cette concentration suggère une sous-représentation des femmes dans les échelons supérieurs de la hiérarchie salariale.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. Tout d'abord, des biais sexistes pourraient être à l'œuvre dans l'évaluation des performances et dans les décisions de rémunération. Les femmes enseignantes pourraient être moins valorisées que leurs homologues masculins, ce qui se traduirait par des salaires plus faibles.
Santé humaine et action sociale
Dans les tranches les plus basses de salaire, les femmes sont massivement surreprésentées, avec 18.121 employées dans la tranche salariale 1 - 2 800, contre seulement 6 552 hommes. Cette tendance reflète le fait que les femmes occupent souvent des postes moins valorisés sur le plan financier, comme les fonctions de soins aux patients, d’assistance ou de support administratif. Ces rôles, bien qu’indispensables au fonctionnement du système de santé et de l’action sociale, sont traditionnellement perçus comme moins stratégiques ou moins qualifiés, ce qui contribue à leur moindre rémunération. Cette sur-représentation féminine s’accentue dans la tranche suivante, 2 800-4 000, où les femmes restent majoritaires avec 28 885 salariées, contre 11 253 hommes. Cela souligne une concentration féminine dans les échelons intermédiaires des métiers d’accompagnement ou de soins de première ligne.
À mesure que l’on s’élève dans les tranches salariales, on observe un resserrement progressif de l’écart entre les sexes, mais au prix d’une chute brutale des effectifs féminins. Par exemple, dans la tranche 4 000-6 000, les femmes ne sont plus que 7 480, tandis que les hommes sont 3 045. Dans les tranches supérieures (10 000-20 000), les écarts se réduisent encore davantage, avec 1 399 femmes contre 950 hommes.
Malgré les progrès réalisés en matière d’égalité des genres, la représentation des femmes dans les postes de direction reste largement inférieure à celle des hommes. Le secteur privé marocain n’échappe pas à cette réalité. En 2021, les femmes occupaient en moyenne seulement 16% des postes de dirigeants à l’échelle nationale. Bien que cette proportion varie d’un secteur à l’autre, il devient clair que la route vers une véritable parité dans les sphères décisionnelles est encore semée d’embûches.
Les secteurs d’activité au Maroc montrent une grande disparité en ce qui concerne la proportion de femmes occupant des postes de direction. Certains secteurs, comme les "Autres activités de services" et la "Santé humaine et action sociale", affichent des chiffres relativement élevés, avec respectivement 38% et 36% de femmes dirigeantes. Ces secteurs, souvent associés à des rôles traditionnels féminins, peuvent expliquer en partie cette répartition plus favorable.
D’autres secteurs, tels que l’"Enseignement" (29%), les "Arts, spectacles et activités récréatives" (23%), ou encore les "Activités financières et d'assurance" (23%), présentent également une proportion de femmes dirigeantes notable, mais loin d’être équitable par rapport aux hommes.
À l’opposé de ce spectre, certains secteurs comme la "Construction" (9%), les "Industries extractives" (9%) et le "Transport et entreposage" (10%) montrent des chiffres inquiétants, avec une représentation féminine presque inexistante parmi les dirigeants. Cette absence de femmes dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes souligne l’inégalité persistante dans les opportunités de leadership offertes aux femmes, et ce malgré la diversification progressive des secteurs d’activité au Maroc.
Les données globales de 2021 révèlent une situation encore inégale, avec une moyenne nationale de seulement 16% de femmes à la tête des entreprises. Si certains secteurs comme les services ou la santé semblent offrir davantage d’opportunités aux femmes, d'autres domaines essentiels pour l'économie marocaine restent fermés ou largement dominés par des hommes.
Cette répartition inégale des genres dans les postes de direction reflète non seulement des biais structurels et culturels mais aussi des lacunes dans les politiques de recrutement et de promotion. De nombreux secteurs continuent de privilégier des profils masculins, souvent en raison de stéréotypes liés à la nature des tâches ou à des préjugés sur la capacité des femmes à occuper des rôles de leadership.
L’analyse de la répartition des femmes dirigeantes en fonction de la taille des entreprises marocaines révèle une tendance frappante : plus l’entreprise est grande, plus la proportion de femmes à la tête de ces structures diminue. Cette réalité met en lumière les défis structurels auxquels les femmes font face lorsqu’il s’agit d’accéder aux postes de direction dans les entreprises de plus grande envergure. Les micro-entreprises, définies comme générant moins de 3 millions de dirhams de chiffre d’affaires annuel, affichent une représentation féminine impressionnante avec 40,675 femmes dirigeantes en 2021. Cela représente une majorité écrasante dans cette catégorie. Cette forte présence peut s'expliquer par la facilité relative avec laquelle les femmes peuvent lancer et diriger de petites structures, souvent dans des secteurs d’activité où elles ont historiquement trouvé leur place, comme les services, le commerce ou l’artisanat. De plus, les micro-entreprises nécessitent généralement moins de capital initial et permettent une gestion flexible, des conditions qui favorisent l’entrepreneuriat féminin.
Un Effondrement progressif dans les catégories supérieures
Lorsque l’on passe à des entreprises de taille légèrement plus grande, la proportion de femmes dirigeantes diminue drastiquement. Les Très Petites Entreprises (TPE), avec un chiffre d’affaires compris entre 3 et 10 millions de dirhams, ne comptent que 2,406 femmes dirigeantes. Cette tendance à la baisse se poursuit dans les Petites Entreprises (PE), qui génèrent entre 10 et 50 millions de dirhams, avec seulement 1,288 femmes à leur tête.
Dans les Moyennes Entreprises (ME), la chute est encore plus spectaculaire : seulement 296 femmes occupent des postes de direction, et ce chiffre atteint son minimum dans les Grandes Entreprises (GE), celles dépassant les 175 millions de dirhams de chiffre d’affaires annuel, où seules 165 femmes sont recensées parmi les dirigeants. Ces chiffres reflètent les multiples obstacles auxquels les femmes sont confrontées pour gravir les échelons dans des structures de plus grande envergure, notamment les préjugés culturels, le manque de réseaux professionnels solides et les politiques de recrutement souvent biaisées.
Un Paradoxe à décrypter
Ces données soulèvent un paradoxe intéressant. Alors que les femmes semblent dominer dans les micro-entreprises, leur absence progressive dans les entreprises de plus grande taille laisse penser qu’un plafond de verre persiste à mesure que les structures deviennent plus complexes et influentes. La croissance de l’entreprise s’accompagne souvent de nouvelles exigences, comme des compétences en gestion avancée, des réseaux internationaux et une disponibilité accrue, qui peuvent être perçues comme des défis pour les femmes, notamment en raison des normes sociales et des responsabilités domestiques encore souvent inégalement réparties.
Une opportunité pour le changement
Pour inverser cette tendance, des politiques publiques et privées doivent être renforcées pour encourager une inclusion accrue des femmes dans les entreprises de taille moyenne et grande. Une avancée notable a été réalisée en juillet 2021 avec l’entrée en vigueur de la loi 19.20. Cette législation impose qu’à partir de janvier 2024, la proportion de femmes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance ne soit pas inférieure à 30 %, avec une progression prévue à 40 % en janvier 2027. Par ailleurs, les comités institués dans ces conseils, notamment ceux requis par la loi (audit, investissements, rémunérations, etc.), doivent inclure au moins un représentant de chaque sexe. En complément de cette législation, des initiatives telles que des programmes de mentorat, des actions ciblées pour déconstruire les stéréotypes de genre dans les postes de direction, et la promotion de quotas de représentation féminine dans les équipes dirigeantes, pourraient accélérer l’émergence d’une véritable parité à tous les niveaux de responsabilité.